mardi 19 avril 2011
Le grand Minaj de printemps
"I represent an entire generation"
Voilà ce que clame Nicki Minaj dans Right Thru Me extrait de son album Pink Friday. Des propos plutôt justes qui illustrent le destin de cette véritable comète parmi la constellation de stars que compte le rap game.
Pink Friday étant sorti depuis plusieurs mois maintenant, focus à froid sur cet album qui a finalement bien plus à dire qu'il n'y parait.
Tout d'abord, ce qui retient l'attention des auditeurs à l'écoute de Nicki Minaj, c'est son flow. Capable d'adopter un débit supersonique ou de chantonner à l'envie, Nicki sort du type de flow monorhytmique habituellement proposé par les female Mc's mainstream.
Ce qui est toujours impressionant à entendre pour l'auditeur néophyte.
On peut d'ailleurs remarquer que c'est une tendance marquée chez toute une catégorie de " newcomers " dont Drake est le chef de file.
Cependant, la technique du rappeur ne se résume pas uniquement à une histoire de débit. Les silences, choix de respiration, tonalité de la voix rentrent également en ligne de compte. Mais même dans ces domaines, Nicki Minaj s'en tire géneralement plutôt bien.
Difficile de lui contester sa réputation sur ce point même si les termes de "tueuse" que j'ai souvent lu ou entendu paraissent un tantinet excessif.
Néanmoins on ne construit pas un album avec un flow. A moins de s'appeller Snoop Dogg, il en faut généralement un peu plus pour en assurer la réussite.
Pourtant comme l'indiquait Minaj, ce Pink Friday est représentatif du Hip Hop de ce début de décennie.
C'est à dire un hip hop porté par un(e) emcee de talent mais souffrant d'un manque d'ambition au niveau des beats. Le son Hip Hop connait une énième mutation portée par tout une flopée de nouveaux beatmakers.
On aime ou on déteste mais l'avenir appartient à Bangladesh, T-Minus et autre Drew Money. Tous ces producteurs sont présent sur l'album de Minaj au milieu de valeurs "sures" comme Will I Am ou Swizz Beatz et ce n'est pas un hasard.
Ils sont les créateurs de ce son "light" qui use autant du sample que de composant électronique.
Mais surtout comme l'indique Bangladesh, compositeur du " Mili" de Lil Wayne et l'un des artistes les plus en vue de cette nouvelle vague, la force de ce nouveau son hip hop réside dans son minimalisme.
Tout repose sur le son, la séquence. Peu importe le nombre d'éléments qui composent l'instru, tout dépend de la façon dont tu utilises les éléments que tu as à disposition [1]
Illustration avec Drew Money et le beat de Right Thru Me crée autour d'un riff de Joe Satriani. Le riff est ici rejoué avec un accent électro et un fort travail au niveau des filtres sur les voix. Le tout accompagné d'un pattern drum tout en légereté.
Certains diront que cela manque furieusement de groove.
En effet, cette musique n'est plus Hip hop mais le Hip hop est une influence parmis d'autre. Elle colle parfaitement à cette géneration I-pod qui a l'habitude de passer d'un style à l'autre en tournant une molette. Certains refusent cette vision du Hip Hop. C'est le cas de la mouvance Hipster qui se veut " traditionaliste " et opposé à ce courant beaucoup trop mainstream à leur gout. [2]
Cette accusation est peut être fondée mais il est difficile de nier que les sons et celui-ci en particulier sont bien "produits" et peuvent être de vrais réussites.
Tout est finalement une affaire de goût et c'est ici qu'intervient le conflit générationel inhérent au Hip Hop. Aujourd'hui, le Hip-Hop est une musique qui a 40 ans et qui contient en son sein deux ou trois générations d'auditeurs et une dizaine de styles différents. Autant dire que le consensus est pratiquement impossible.
Il est d'ailleurs amusant de voir que le fameux c'était mieux avant ne s'applique pas ici. Une Emcee comme Minaj est bien meilleure techniquement qu'une Lil Kim ou une Foxy Brown. On ira même jusqu'à dire qu'une Minaj moyenne est meilleure qu'une Eve au sommet de sa forme. Ce qui n'est pas sans provoquer quelques tensions comme en témoigne le "beef" entre Lil Kim et Minaj.
Ce beef éclate au grand jour dans un des couplets de Roman's Revenge qui s'adresse probablement à Queen Bee.
I-i-i-i-i-i-i-i-is this the thanks that I get for puttin you bitches on?
Is it my fault that all of you bitches gone?
Should've sent a Thank You note, you little hoe
Now I'ma wrap your coffin with a bow
"N-N-Nicki, she just mad cause you took the spot"
W-w-word? That bitch mad cause I took the spot?
Well bitch, if you ain't shittin then get off the pot
Ce duel marque également une autre évolution. Peut être la plus importante de toutes.
Le Mc'ing au féminin qui a toujours été méprisé semble changer son mode de revendication.
Avec Lil Kim, la surenchère sexuelle devient revendication féministe. Rien de mieux que la tactique du miroir pou renvoyer aux hommes leurs propres fantasmes en pleine tronche. Quitte à choquer.
Si cela s'avére necessaire pour combattre un environnement foncièrement machiste, cette stratégie implique cependant une vulgarité extrème comme dans le fameux Not Tonight
Avec Minaj, l'approche est légerement différente.
La Mc devient androgyne et se cache derrière son rôle de poupée Barbie. Elle joue volontairement la carte de l'ambiguité comme le démontre la pochette de ce Pink Friday et son couplet dévastateur sur Did it'on em.
La "vulgarité" n'y est pas absente mais l'allusion au sexe se veut beaucoup moins franche que chez son ainée.
All these bitches is my sons
and I'ma go and get some bibs for 'em
a couple formulas, little pretty lids on 'em
If i had a dick, I would pull it out and piss on 'em
Let me shake it off
I just signed a couple deals i might break you off
and we ain't making up I don't need a mediator
Just let them bums blow steam, radiator
Autre changement révélateur, le management de ces artistes semblent montrer une certaine émancipation. Dans les années 90,la mode est aux " First Lady". Lil Kim était la protégée de Biggie et membre du crew Junior Mafia. Eve la "first Lady" du Ruff Ryders. Foxy Brown elle était la présence féminine au sein de The Firm.
Toutes ces artistes aussi talentueuses soit-elle ont vu leurs carrières reliées à celle de leurs groupes ou à un mentor prestigieux.
L'exemple parfait étant la jeune Amil, ex First Lady de Roc-A-Fella dont la carrière a été brisé par le seul désir de Jay-Z. Amil dont on devine aujourd'hui tout le ressentiment envers l'industrie du disque dans cette interview.
"I’m not the one to talk about other female rappers. Truth be told, I think we’re all in the same boat. It’s hard for a female rapper to even blow like that"
Minaj elle, a su s'imposer en tant qu'artiste. Rentré chez Young Money à la seul force de son talent (et de ces ventes), elle est une véritable tête d'affiche du crew de Lil Wayne. Et c'est là sa plus grande victoire et une porte ouverte pour nombre de female mc's. Les temps changent comme dirait Solaar. Et on ne va pas s'en plaindre.
Ann-Sé
Source : [1] Interview de Bangladesh sur Tsugi.fr
[2] Hipster Rap : The Savior of Hip Hop ?
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