La mort de Guru a jeté un putain de froid. Comme lors de la perte d'un proche. Parce Guru, c'est finalement un mec qui a toujours fait partie de notre environnement. En bien ou en mal. Mais c'est la vie. C'est ainsi dira-t-on. Finalement, c'est lorsque la "communauté" hip hop perd un de ses membres les plus éminents qu'elle ressemble le plus à une vrai communauté. En effet, qui peut nier l'impact de Guru sur cette musique ?
Que l'on soit de la génération 80 et que l'on ai suivie l'épopée de Gangstarr depuis "No More Mister Nice Guy" ou que l'on ait pris le train en route comme moi, la peine est la même. Sincère. On s'est tous buté au son "made in Primo" dominée par la voix brute du Guru. On a tous notre album fétiche de ce groupe mythique. Le mien, Moment Of Truth.
J'avais gratté sur ce disque un texte insignifiant qui se voulait à l'époque, être une chronique (qui depuis s'est perdu dans les méandres du net). Reste l'affection que je porte à ce disque. You Know My Steez. Le gimmick d'ouverture. La voix de Guru ..Magique !
" That makes me know that, we we we we're doin We had the right idea in the beginning And and we just need to maintain our focus, and elevate We what we do we update our formulas We have certain formulas but we update em (oh right) with the times, and everything y'know And and so.. y'know The rhyme style is elevated The style of beats is elevated but it's still Guru and Premier And it's always a message involved"
C'est clair que ces deux là avaient trouvé la formule. Peu importe ce qu'il s'est passé entre eux, l'histoire se souviendra qu'ils formaient un duo exceptionnel. Un des meilleurs producteurs que le Hip Hop n'ait jamais vu, et un rappeur comme on en fait plus de nos jour! Né pour la rime et pour sauver ce damn' thing qu'on s'entête à appeler hip hop. Un type conscient de son rôle. Un MC !
Directement après You know My Steez, j'aime zapper sur le mythique Above The Clouds. Cette chanson pour moi est une sorte de perfection: La combinaison à son summum. Le beat planant dans une autre sphère (je reprend cette expression de mon premier article!). Le sample génial de John Dankworth utilisé par Primo.La voix lourde de Guru et la technique facile d'Inspectah Deck. Au jour d'aujourd'hui, j'aime Inspectah Deck uniquement pour ce son. J'ai toujours trouvé que ce morceau était d'une justesse incroyable. On vole en écoutant ce track. Above The Clouds c'est la chanson que l' on écoute dans l'avion en regardant les nuages pendant que l'hôtesse propose son café dégeulasse. Fermez les yeux et imaginez pour voir...
Je déteste les oraisons funèbres ..surtout quand elle manque de talent! Je vais donc éviter de sombrer dans la pleurnicherie facile. Guru n'était pas dans mon top 5 des best rapper alive. Et si celui-ci existe, il n'y entrera pas demain. Cependant j'ai énormément apprécié son taf. Que ce soit avec Gangstarr ou les premiers Jazzmatazz, c'était pour moi l'illustration de ce que doit être un MC: Conscious, Entertainer, talentueux et passionné...
Une légende s'en est allée. Au delà des nuages.
" Above the crowds, above the clouds where the sounds are original Infinite skills create miracles Warrior spiritual -- above the clouds reigning/raining down, holdin it down"
R.I.P. GURU ( 1966-2010)
clickez sur le titre, il donne sur un lien où l'on peut lire la dernière lettre qu'il a laissé avant de partir
Dans les innombrables débats que je peux avoir avec certains gratteurs de Bordel®, il y en a un qui promet toujours des éclats de voix. Celui de l’existence de scènes distinctes selon les pays (dédicace à la Miss A.). Autrement dit, existe-t-il une scène rap français ?
Tout ceci peut paraître évident mais il n’en est rien. Qu’est ce qui caractérise la scène rap français ? Un son ? Des thématiques ? Une conception de la musique différente de ces homologues américains ?
Selon le Larousse, une scène se définit comme «le lieu où s’exerce une activité humaine ». L'unité d'unescène se constituerait donc au niveau de la localisation géographique. Cette affirmation peut-être facilement réfutée: Des artistes aussi différents qu’Hocus Pocus et Booba appartiennent à l’espace français, pourtant on conviendra qu’il y autant de différences de style entre les deux qu’entre Marc Lévy et Baudelaire. Difficile de les classer sous un même étendard.
On le voit l’utilisation du mot scène est finalement plus complexe qu’on pourrait le penser.
Que penser également des artistes issus du continent Africain, exilés à l’étranger et qui sont de suite érigés en héros de la scène Africaine ?
Doit-on les classer au sein de la scène Africaine ou ailleurs?
De cette lignée d'artiste, K’naan est le dernier en date. Son album "Troubadour" sorti en 2009 est le parfait exemple de cette contradiction. En surfant sur le net, on s’aperçoit qu’il est impossible de parler de cet album sans le présenter comme un produit du continent africain ou digne représentant de la scène Africaine.
..Ce qui a le don de m’horripiler fortement.
Je m’explique. K’naan a quitté la Somalie et habite désormais au Canada. Il chante en Anglais et son public est essentiellement nord-américain. Pour quelqu’un qui a écouté Troubadour"", cet album sonne typiquement Nord-américain. L'album est produit par Track & Field qui ne sont autre que Brian West et Gerald Eaton. Deux producteurs R&B US qui ont bossé avec Nelly Furtado. Les featurings (Mos Def, Charli 2na, Damian Marley, Adam Levine..) montrent également l’empreinte Made In USA.
Bien sûr des influences africaines sont présentes aussi bien dans les lyrics que dans le son (sample de Mulatu Astake et de Tiahoun Gessese).
Bien sûr l’histoire personnel de l’artiste est fortement liée à ce continent et ce, d’une manière tragique mais nous parlons icistrictement en terme musical.
Cette relation est-elle suffisante pour ériger K’naan en héros du hiphop somalien ?
J’avoue humblement ne pas être un expert en termes de hip hop africain en général et somalien en particulier, mais il me semblerait plus juste musicalement parlant de nommer comme tel un artiste local qui s’inscrirait dans cette mouvance. Placer K’naan au sein d’une scène Africaine/Somaliennepourrait passer pour une immense preuve de condescendance envers la dite scène ; scène dont au passage on ne parle jamais.
Je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense qu’il s’agit davantage d’une ignorance inavouée de la part de la plupart des chroniqueurs, planquée sous un raccourci trop facile. Pour ma part, K’naan, héros de la scène somalienne non…. mais héraut de la Somalie à l’étranger évidemment.
D’autant que lorsqu’on s’arrête vraiment sur cet album, on s’aperçoit que ce n’est pas tant l’Afrique (ou la Somalie) que K’naan décrit. C’est davantage l’errance d’une diaspora africaine obligée de s’exiler pour vivre ou le fait d’être trimballer d’un continent à un autre dans des circonstances aussi terribles. Egalement, la nostalgie du pays, les souvenirs traumatisant d’une enfance, l’arrivée dans un eldorado fantasmé avec ces joies et ces déceptions... Finalement cet album ressemble à son auteur. C'est un pont entre deux cultures que tente de décrire K'naan. Et on peut dire qu'à défaut d’être magnifique, sa plume vise et touche juste.
Dans Wavin’ Flag, K’naan a l’intelligence de ne pas tomber dans le cliché africain et universalise son propos. Finalement, on peut appliquer les paroles de cette chanson aux bidonvilles de Mogadiscio, au project de Brooklyn ou à la cité des 4000. Jugez par vous même...
" Born to a throne, stronger than Rome But Violent prone, poor people zone But it’s my home, all I have known Where I got grown, streets we would roam But out of the darkness, I came the farthest Among the hardest survival Learn from these streets, it can be bleak Except no defeat, surrender retreat "
Pas étonnant que cette chanson est été choisie comme hymne officiel du Mondial Sud Africain.
Dans Fatima, on touche au désastre de l’enfance brisée. De cette période où les rêves s’effacent devant une froide réalité. K’naan évoque ce passage avec une retenue plus qu’émouvante.
"Fatima, What did the Young Man say Before he stole you away On that fateful day Fatima Fatima, Did he know your name Or the plans we made, To go to New York City, Fatima"
15 Minutes Away décrit les galères d'argent et l'attente angoissante du mandat Western Union. Tellement vrai.
Somalia et America soulignent l’écartèlement de l’auteur entre ses deux patries. Sur America, K'naan chante symboliquement en somali accompagné d'un Mos Def et d'un ex de Jurassic 5 tout deux plutôt faiblards. Somalia est une ode comme le dit K'naan: Un manuel d'intégration comme on aimerait le présenter à Brice Hortefeux himself.
"Do you see why it’s amazing,
When someone comes out of such a dire situation
And learns the English language,
Just to share his observation!
Probably get a Grammy without a grammar education.
So fuck you school and fuck you immigration!"
Le deuxième point que je souhaitais soulever est le suivant: l’album de K’naan est davantage un album de pop fortement inspiré du hip hop qu’un album de hip hop (à proprement parler). Les chansons s’enchaînent agréablement. La musique est intéressante (mention particulière au trombone sur le morceau Fatima) et offre plusieurs niveaux d’écoutes. La voix de K’naan n’est pas particulièrement agréable mais elle s’insère parfaitement à l’ensemble. Ainsi l’interprétation maladroite de Fire In Freetown est audible après plusieurs écoutes.
Bref, malgré tous mes efforts pour détester cet album, je me suis quand même surpris à l’apprécier pour ce qu’il est. Un album easylistening au sens positif du terme. "Troubadour" est sans prétention et ne révolutionnera rien du tout mais il permet de découvrir un artiste sincère dont j’apprécie la simplicité. Un album qui mérite une meilleure exposition dans nos contrées.
Peut-être lors d'une victoire d’une équipe africaine au Mondial ?
Salut! La mixtape de la semaine (ou devrait-on dire "du mois" pour être plus réaliste) nous amène un peu de soleil. Décidément, le printemps nous fait des feintes, souvent on est saucé, on range le gros manteau au placard, on sort les teeshirts flashy et BIM ! le vent nous donne des gifles, nous gêle les os.. tandis que les nuages passent devant le soleil (un peu comme Messy et les Gunners). Brrr.. on a bien le seum mais on continue de faire comme si.. Maaliche le métro n'est pas si loin! Bordel-Inc remédie à ce problème, et vous propose de mettre un peu de chaleur dans votre Mp3 avec une mixtape reggae de Max Tannone (connu sous le nom de Minty Fresh Beats). Ce mec est loin d'avoir la tête de l'emploi, ce petit gringalet new yorkais est un beat-maker qui commence à se faire un nom. Ces mashups sont des plus subtiles: la mixtape a été concocté avec minutie! Mélanger du dub et du Mos def était pourtant risqué, mais 'faut l'avouer le travail est propre! Pour les purists, rassurez-vous le 20 au Cabaret Sauvage, Mr Mos Def nous fera l'honneur (j'espère) de nous jouer "The Ecstatic" (encore un bon album de 2009!) et surtout le délicieux "Black On Both Sides".