vendredi 19 février 2010

Déché(FR)ance

Je me permets de généraliser dans cet article car il va de soi que seule la surface visible de l’iceberg est visible par le plus grand nombre. Cette analyse est évidemment subjective. Je suis persuadé qu’elle trouvera un écho auprès de certains.

On reproche au Hip-Hop français de se laisser mourir mais comment en sommes nous venus à cette finalité ?

Regardons rapidement aux caractéristiques intrinsèques à notre rap fr


La forme
-Dans sa période la plus faste pendant laquelle Time Bomb et autres prolixes rappeurs dominaient (j’évite la liste exhaustive), nous n’avons pas innové. Je m’explique : le contenu était très fourni et rendait la plupart du temps un vibrant hommage à la richesse de notre langue. Oxmo, Fabe, Scred Connexion, Hi-Fi entre autres je pense à vous (lol)
-Je dénote trop peu de morceaux contemporains à cette époque qui sont précurseurs comme le sont certaines productions US :


La production
-La scène actuelle du rap français en fin de compte, se superpose sur des paramètres semblables à celle de la golden age ; tendance US tout d’abord réfutée puis utilisée à outrance. La créativité se jouait sur les samples utilisées maintenant c'est sur le nombre de BPM.
-Je regrette énormément que le département R&D ne soit pas à la hauteur des ressources disponibles. J’ai encore du mal à comprendre comment nous pouvons être aussi mauvais en étant le carrefour de tant de styles musicaux : héritage culturel (famille de première ou seconde génération d’immigrés africains, asiatiques, européens du sud), French Touch, électro européenne, musique classique (souvenirs de flûte… lol). Preuve irréfutable de notre source intarissable de sons, les nombreux samples venant de bandes musicales françaises (ex : Musiq Soulchild avec Paul Mauriat), variété, rock british, ou autres excentricités musicales mondialement reconnus (Radiohead, Björk, etc.)
-Les meilleurs producteurs français DJ Medhi, Crazy B, ou autre Drixxé ont été voir d’autres marchés ou vivent difficilement l’évolution musicale. DJ Medhi représentait l’avenir parce qu’il était reconnu par le game. Il avait pris beaucoup d’avance en s’inspirant de sons différents (cf. prod pour Karlito, guitare sèche pour Mai Lan) avant de partir sur Ed Banger et être rookie trop en retard... face aux autres acteurs majeurs de la scène électro

La culture musicale du rappeur français

-Un autre fait vient grossir ma liste des doléances : toutes les têtes d’affiche sont a priori capables de sentir les tendances du marché, mais aucune d’entre elles n’a les capacités d’avoir une vision transversale. Rohff, Booba, Mac Tyer, Kery James ne font que rapper et sous-traitent leurs sons aux mêmes producteurs (AnimalSons, etc.). Je remets très légitiment leur culture musicale en question.
-Seul, la Fouine est épargné ici : chant, solfège pour son frère, aversion pour la variété française… Je ne parle que de sa culture musicale.

La communication
-La principale raison du succès du courant est que les moyens de communication étaient plus rares et donc bien plus impactants que maintenant. Il est désormais impossible d'imaginer une plage horaire dédiée à la mouvance HH comme Sidney a pu l’avoir. La période étant bien plus faste la concurrence et donc les risques de cannibalisation ayant augmenté de manière drastique, cette époque est à considérer comme révolue. Canal Street débute, il est trop tôt pour se prononcer dessus.
-Le virage Internet a été très mal négocié par le monde musical et nous ne faisons pas exception à la règle. La cible téléchargeant à outrance, seules les structures indés des puces (Ghetto Fabolous Gang ou LIM Tousillicites) ou Booba, Rohff etc. peuvent se vanter de vivre de leur musique.
Parenthèse : les chanteurs les plus vendeurs en France sont assez âgés ; ciblent des personnes avec un certains pouvoir d’achat étant en décalage avec la phase Internet… Les prochains vieux à pouvoir d’achat : nous, achat de musique faible, je ne vous fais pas de dessin sur l’avenir de la musique en France.

Les clips
-Nous avons de très mauvais clips, et le budget ne devrait en aucun cas être un obstacle (La French touch nous a sorti beaucoup de bons morceaux avec de très faibles budgets, Justice pour les non-initiés par exemple).
-La pression contextuelle fait que nos vidéos sont pauvres. Chaque rappeur veut maintenant vivre de son métier (nuance avec passion), il a donc une mauvaise approche… Il s’ajoute une pression en voulant faire une pâle copie de ce qui marche, et ne se permet pas le luxe de se différencier. Enjeux financiers quand tu nous tiens -> le rap ne ramène toujours pas le succès fiscal tôt pour paraphraser Oxmo.
-Pourtant, notre école de cinéma n’a rien à envier à quiconque et nous avons déjà pu voir une association entre grands réalisateurs et milieu du Hip-Hop (Gondry/ I AM pour le Mia Mondino ou Sednaoui / MC Solaar…). Le dernier clip qui m’a réellement marqué est celui de Kery James avec M. Kassovitz ( XY ), qui a aussi collaboré avec Luc Besson.
-Le seul actuellement qui fait vivre le game, Chris Macari, est devenu trop cher et reproduit ce que les gens veulent (même pression contextuelle). Il propose malgré tout une image de qualité (“Roi sans couronne” de Nessbeal ou “Foetus” de Booba)

Le Hip-Hop listener français

-Il est très dommageable de découvrir sur booska-p ou autre chaîne télévisée (R.I.P. la presse écrite) que les vidéos plebiscitées ne soient que des copies les unes des autres. Dès qu’un rappeur sort autre chose, il est placardisé et ne peut pas prétendre à un succès qui lui permettrait de vivre de sa passion. Les crossovers sont très mal perçus alors que ces derniers font évoluer incroyablement les deux parties… Lil’ Jon très largement copié maintenant en France, écoute beaucoup de hard rock -> inconcevable en France (clin d'oeil avec Korn)
-C’est un problème de fond, la good life et/ou la violence sont désormais omniprésentes et indissociables de notre mouvance (No Limit Records et Cash Money Millionaires, vous avez tué notre game inconsciemment).

-Le seul qui peut se targuer d’avoir été libre-arbitre de sa carrière et en avoir vécu durablement, et confortablement de celle-ci est MC Solaar. Je reconnais le dérapage incontrôlé de ce dernier, mais je trouve triste que celui qui a donné un élan et explorer d’autres pistes ait pu être marginalisé et ridiculisé aussi vite. Oxmo, tu as choisi ce chemin, je ne t’en veux pas (Route d'amsterdam et autres conneries).


Rayonnement international
-Bien que les rappeurs de la Golden Age n’aient pas pu ou su se projeter vers le futur en explorant des nouvelles musicalités, je concède assez aisément une identité forte qui nous a ouvert les portes à des collaborations outre-Atlantique (Lucien, MC Solaar, NTM, terrain propice au plus grand succès français aux E-U, les Nubians).
-Nous avons été supplantés par les Allemands (à confirmer) au début de la décennie. De nombreux échanges américano-allemands se sont effectuées entre-temps par le biais de Samy Deluxe, Xavier Naidoo, DJ Tommekk, Eko Fresh, exportation des Black Buddafly, etc.

En me relisant, je me dis que le Hip-Hop/Rap français est condamné s’il continue dans ce sens. Je ne vois que très peu d’alternatives à ce rap français en déchéance. la Caution surtout ou Disiz avait cette capacité à voir autre chose, mais il est parti voir du côté de Grems et Rouge à Lèvres.
Impossible de ne pas reconnaître le talent des Rocé, etc. Mais, ils ne sont pas la pôle innovation du rap fr.

Je ne nie pas écouter du Booba, Kery James, Rohff mais ça reste éphémère. Sexion d’Assaut dans le contenu propose quelque chose de différent aux tendances actuelles.

Pour entrevoir une quelconque richesse musicale faudrait redéfinir les limites du game, ce qui est impossible connaissant le manque d’ouverture des personnes écoutant le rap français...

Aly

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