Salut l'ami,
Je reviens tout juste de ta mise en terre.
Qu'est ce que t'as du te marrer !
Nous voir tous encostardés, au bord des larmes autour de toi t'aurai fait hurler de rire, nous le savions.
Jamais de ton vivant, on ne t'avait accordé autant d'attention et louer ton amour de la vie, et même des gens que tu n'avais pas vu depuis des lustres se frappait la poitrine en hurlant.
C'était mon cas et crois moi que je le regrette. Et je ne dis pas ça, parce qu'avec ta disparition, c'est 1/3 du lectorat de ce blog qui s'en va non...
Je dis ça parce que je regrette sincérement que nos chemins se soient quelque peu séparés et que nos échanges se soient réduits à de furieuses batailles d'idées virtuelles.
Et Dieu sait que tu aimais te battre.
Depuis que l'on se connait, je n'ai jamais rencontré personne d'aussi bagarreur que toi. Les morveux du bac à sable de Romain Rolland s'en souviennent encore et les pleurs de ces mêmes morveux doivent encore raisonner dans le préaut pour les gouters que tu chippais sans aucune élégance(euphémisme).
Plus tard, c'est sur les terrains que tu te castagnais.
En terme sportif, on dirait que tu étais un compétiteur dans l'âme. Toujours prêt à se frotter à l'adversaire. Le coup de tête administré à un anonyme attaquant de Louvres restera dans ma mémoire comme celui de Zidane sur Materazzi..
Mais finalement, ta plus grande bagarre, c'était celle que tu livrais contre la maladie. Ennemie invisible mais foutrement plus présente qui ne te laissais pas vraiment de répit. J'étais là quand cette salope s'est déclarée pour la première fois. On avait 4 piges peut être plus.
Tu t'étais écroulé de ce banc où l'on attendait sagement que nos parents nous délivre de l'école.
Je te revois encore convulser alors que j'étais présent à deux mètres sans savoir quoi faire. Je me souviens des blouses blanches faisant irruption dans la salle, du branquart et du visage effrayé de la maitresse.Je me souviens aussi que c'est là que j'ai appris le sens du mot respiration et du mot insufficence. Cette saloperie d'épisode m'a marqué.Depuis je déteste les préauts et l'école maternelle.
Alors on a grandi ensemble et suivi les mêmes chemins de bohêmes. Pendant que j'aspirais à élever la nonchalance au rang de style de vie, tu te dépatouillais pour vivre avec les limites laissées par la maladie.
Lorsque je me moquais gentiment des amnésiques préssés qui peuplent la ville de Paris que tu aimais tant, tu me faisais remarquer que même si tu ne courais pas, tu étais à ta manière beaucoup plus préssé qu'eux. A ta manière, tu étais un sprinteur.
Tu appellais ça dans tes textes et freestyle, "la vie chronométrée".
Un concept qui n'avait finalement que peu de sens pour nous alors que c'était malheuresement ton quotidien que tu résumais ainsi.
Tes freestyles justement...
Mec, maintenant que tu es parti je peux l'écrire.
Tu étais vraiment "dope".
Surement pas le meilleur rappeur du monde mais de loin le MC le plus passioné qu'il m'est été donné de rencontrer. Même avec tes soucis de santé, la passion du cyph' ne t'as jamais quitté et lorsque ta voix ne pouvait plus suivre, c'est tout naturellement que tu t'es dirigé vers les platines pour " parler avec tes doigts".
Parce qu'au fond, parler tu n'auras fait que ça. Parce que le hip hop était une de tes armes préférées contre le sort qui semblait s'acherner contre toi. Tu tenais à faire face avec humour, t'autoproclamant tour à tour " MC 1 Poumon " ou Ben " The Voice" Biozondama.
J'ai toujours admiré ton sens de l'ironie et de l'autodérision qui te rendait si dur à confondre en battle ou en freestyle. On ne savait jamais si on t'avait touché ou pas tant tu étais capable de rebondir avec ironie.
Il n'y a rien à redire, tu étais un putain de MC !
Le malheur de notre art maudit étant qu'aucune de nos performances ne sont gravées dans le Wax.Le souvenir du merveilleux artiste que tu étais disparaîtra avec nos souvenirs.
Le petit Stéphane ne saura jamais que son frère était un rappeur de talent voir même meilleur que ceux qu'il voit à la TV.
Ou tout du moins, il ne pourra pas en juger par lui même.
Parce que tu peux compter sur nous pour que tout ces souvenirs ne meurt pas.
Je garderai en mémoire les cyph' pourris du terrain vague pas loin de chez moi.
Un radio casssette en guise de blaster. Des hésitations tous les 4 mots. Un vocabulaire limité à ces mêmes 4 mots, une fluidité digne du périph' aux heures de pointes.
Nos débuts quoi...
Je me souviendrai aussi des heures de gloires.
Des freestyles battles à la sortie des soirées où l'on en mettait plein la vue à une gente féminine qui venait de découvrir Eminem et 8 Mile et qui trouvait ça tellement " mignooon".
Je me souviendrai de ces soirs de victoire où on avait l'impression d'être les rois du monde alors qu'on venait juste de gagner un battle dans une MJC de quartier.
Pop champagne avant l'heure !
De même que de tes tentatives pathétiques pour essayer de me prendre en défaut en contest.Toujours cet esprit de compétiteur qui haissait la défaite...
Raison pour laquelle lorsque j'essaye de me représenter ma passion pour le Hip Hop ou pour la musique en géneral, c'est toujours ton image qui me vient à l'esprit.
Celle d'un type qui assume ces choix douteux(nombreux !!!) avec fougue et détermination.
Un type qui a essayé pendant 1 an de me persuader que 808s & Heartbreak de Kanye West était un grand album !
D'ailleurs je suis étonné que Kanye ne se fende pas d'un communiqué pour saluer la mémoire de sa plus grande groupie, capable de le défendre dans à peu près n'importe quelles circonstances. C'est aussi ce que j'aimais chez toi.
Cette capacité à t'enflammer lorsque que l'on parlait de musique et à défendre mordicus tes positions quitte à user parfois d'un peu(beaucoup)de mauvaise foi.
Surtout lorsqu'il s'agissait de te moquer gentiment de mes articles que tu trouvais " d'une prétention digne d'un spécialiste de jazz ". Lire mes chroniques était pour toi un exercice fascinant. Cela te fascinait de voir comment la médiocrité pouvait se camoufler derrière un verbiage complexe à outrance. Histoire de mettre du vernis sur l'ignorance. Et les fautes d'orthographes !
" Incroyable de lire des analyses dignes de Pitchfork écrites avec un niveau d'orthographe digne du CM2 !" [compliment douteux!]
Ah, enfoiré !
Rien que d'écrire cette phrase, je sais que tu vas me manquer.Depuis quelques jours, j'avais une furieuse envie de verber qui me piquottait les doigts.Peut être parce que je me rends compte que c'est finalement toujours le même processus qui est à l'oeuvre, et que contrairement à ce que dit l'adage, la mort ne remet pas les compteurs à zéro.
Ta disparition fait écho à celle de ce pauvre Pitto, une énième rencontre indienne qui doit certainement reposer dans une fosse commune à l'heure qu'il est.
Celle que l'on reserve à ceux que l'on ne peut identifier, à ceux qui errent la nuit dans les rues de Mumbai et que l'on retrouve souvent mort au petit matin près d'une poubelle.Sans nom et donc sans passé.
Personne pour lui écrire sur son wall Facebook.
Personne pour twitter son décès.
Personne pour lui rendre hommage et aucun lieu de recueillement décent.
Sa famille avec qui il avait coupé les ponts ne sera probablement jamais au courant de son décès.
Après 6 mois, il est déja oublié de tous, comme s'il n'avait jamais existé et c'est là que réside cette putain d'inégalité.
Loin de moi l'idée de dire que tous les hommages qui s'abattent sur toi ces temps ci n'ont pas lieu d'être.
Encore que, je suis sceptique sur ces amis made in Facebook qui ont quand même réussi à te souhaiter ton anniversaire après ton décès (!!!).
Non, je suis juste profondément triste lorsque je comprends toute l'horreur de l'idée de mourir seul et oublié de tous et que la vrai folie du monde d'aujourd'hui est de rendre cela possible et presque banale.
Dans mon esprit, je refuse cette possibilité. C'est pour ça que je n'oublirai pas.
Je ne t'oublirai pas comme je n'oublirai pas Pitto, Chris et tous les autres.
Parce qu'on avait cette passion commune qu'est le Hip Hop.Pour une fois, ce truc doit servir à autre chose qu'à se faire de l'argent ou se donner une pseudo image.
C'est pour ça que je vous dédie à tous ce freestyle. Il a été enregistré avant tout cela mais je tiens absolument à vous le dédier. Comme un hommage entre vrai musicien que nous sommes peut être et comme passionée de freestyle que nous étions surement. En tant que parti du cypher, notre confrérie est éternel, j'en suis sur !
Un Long Dimanche de Freestyle
Adieu l'ami
RIP Ben " The Voice" Biozondama (1987- 2011)
RIP Pitto ( ??- 2010)
RIP Abir Hamza ( 1987- 2008)
RIP Chris'( 1984- 2005)
dimanche 16 janvier 2011
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J'ai aimé... Descrit bien Ben et son caractere.
RépondreSupprimerTa oublié dans le memory lane, Stephane et Lila !!
Putain cette enfoiré a réussi à me culpabiliser !
RépondreSupprimerT'as pas parlé du battle contre Ahmed, mémorable avec la fuite dans le RER quand on s'est fait coursé par les adversaires qu'on venait d'humilier.
T'as pas parlé non plus des soirées dans l'appart de Chris où on s'enchainait les disques et où on improvisait comme des dingues
Putain les good old days ..
Rest In Peace mon grand
C'était l'époque où on était jeunes et insouciant.. Talentueux pour certains.
RépondreSupprimerBen, c'était un peu le régulateur. Le genre de mec qui calmait tout le monde quand ça partait en couille après les contests.
Le plus mature de la class 87 sans aucun doute.
Il va me manquer avec ces leçons de morales et son amour imodérée des technics.
Tcheck Boy, un dernier verre pour la route !
Coca sans whisky !
RépondreSupprimerJe suis en recherche des photos, freestyles qui manquent pour illuster l'article.
Je cherche surtout le morceau " Horror Movie"
avis au collectionneurs, envoyez moi ça vite
pliiiiiiz
Bolchevik !!!!!!
RépondreSupprimerJ'aurai aimé être là pour rendre un dernier hommage mais c'est pas possible.
RépondreSupprimerJoli texte qui rapelle bien la personnalité de "Régis".
Vous avez oublié de parler de son mauvais gout en terme de sneakers
Raah les pompes jaunes fluos qui flashait quand on était en training c'était juste meetic quoi (joke inside).
Merde !
RépondreSupprimerJ'avais oublié le coté Régis,
Mr pickupyourshoes avant l'heure.
Le seul mec de ma connaissance capable de draguer du coté du Fort avec des sneakers vert lezard... et de réussir !
Régis est grand, vive Régis
PS : Taz' on t'a reconnu, t'es pas sur FB ici un peu de tenue merde !!!
Il les faisait toutes tomber (double joke inside).
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